Guilde ElévaTion
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 "Je suis le chef !"

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Wolf
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Date d'inscription : 05/03/2011

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MessageSujet: "Je suis le chef !"   "Je suis le chef !" Icon_minitime1Mer 11 Mai - 10:59

C'est de nouveau mercredi de maintenance ... comme le temps passe vite ! Pour vous occuper, pour m'occuper aussi, voici donc la (petite ?) histoire de la semaine, extraite bien sûr, de "La Sagesse Agricole" (Editions du Wolf).

Prenez un boeuf englué jusqu'à l'encolure dans la vase de la rivière qui traverse sa prairie. Si on ne l'en tire pas dehors, il va crever sur place. Vu le poids du bestiau, il faudra s'y mettre au moins à dix. Le fermier arrive donc avec tous ceux qu'il a pu rassembler, chacun avec une corde et ... han ! hue ! han ! hue ! Le boeuf beugle mais ne bouge pas d'un millimètre ; voyez vous pourquoi ? C'est facile à comprendre. Même si vous n'y connaissez rien en géométrie vectorielle.

En arithmétique classique, 1 + 1 ... + 1 = 10. Mais en géométrie vectorielle, la direction compte. Si la direction est unique, cela fera encore dix ; mais si les directions sont différentes, ce sera moins. Si la moitié tire en direction de la tête, et l'autre en direction de la queue, ce sera même rigoureusement zéro. La solution ?

Le fermier n'a qu'un seul ordre à donner : "Tout le monde tire par devant !" Et miracle, le boeuf est sauvé après quelques minutes d'effort. Première moralité : sans chef, pas de résultat.

Mieux encore : en supprimant les cinq qui tirent vers la queue, les cinq qui tirent vers la tête ont davantage de chances de faire bouger le boeuf. Il arrive donc parfois qu'on soit plus forts en étant moins nombreux. Deuxième moralité : le chef doit souvent prendre des décisions difficiles à comprendre par tout le monde.

Pire encore : une fois le boeuf sorti d'affaire, ceux qui voulaient le tirer vers l'arrière vont dire : "Chef, tu t'es trompé de côté, la ferme, elle est sur l'autre rive de la rivière !". Naturellemnt, si le boeuf se retrouvait côté ferme, ceux qui voulaient le tirer vers l'avant auraient dit : "Chef, tu t'es trompé de rive, la prairie, elle est de l'autre côté de la rivière !" Troisième moralité : le chef est toujours critiqué, quoiqu'il décide.

J'ai trente-trois ans de carrière dans la même entreprise derrière moi, dont ving-cinq comme chef de service, avec une cinquantaine d'hommes sous mes ordres, et aucune femme, heureusement. Ce fut une expérience extraordinaire, je peux vous le dire. Techniquement, je ne craignais pas grand'chose, fort de mes études d'ingénieur électricien. Mais humainement, je n'avais aucune formation, et il m'a fallu tout apprendre sur le vif et sur le tas. Calculer des volts et des ampères, c'est facile, vous faites juste fonctionner votre cerveau et vos doigts. Mais quand il faut décider, juger, répondre à la critique, là, c'est autre chose, vous devez faire fonctionner votre coeur et vos tripes, et c'est tout à fait différent.

Voici donc deux petites anecdotes ; la première, où je ne me suis pas laissé avoir ; la seconde, où je me suis bien fait avoir.


La première ne se passe pas dans mon entreprise, mais bien avant ça, à l'époque où j'étais aspirant officier en Allemagne. C'est ma toute première expérience de chef, et je ne l'ai jamais oubliée. Vu mon caractère difficile à soumettre, le commandant de compagnie m'avait infligé comme adjoint le sous-officier le plus aigri de la caserne, un flamand assez âgé qui n'avait jamais pu passer gradé de toute sa vie et qui haïssait profondément les jeunes miliciens officiers comme moi, surtout s'ils étaient wallons. J'avais essayé de l'approcher et de l'apprivoiser de toutes les manières possibles, mais rien à faire, c'était un vieux renard sauvage, il était indomptable, et ne cessait de me tendre des croche-pieds dans lesquels je tombais régulièrement.

Et nous voilà partis en manoeuvres dans les collines et les forêts du Harz, au volant du gros Magirus-Deutz, et de sa remorque, un groupe électrogène capable d'alimenter l'émetteur radio de 400 watts en antenne qui était en cabine, avec tous les autres véhicules du peloton aux fesses. J'avais pris le volant, ça je n'allais pas le laisser à l'adjudant ; lui, il était assis à côté de moi comme passager.

Avec une longue antenne horizontale tendue entre deux arbres, on nous aurait entendus jusqu'en Afrique, mais c'était bien sûr interdit : on ne pouvait pas informer "l'ennemi" de notre position ! Il fallait se servir de la petite antenne verticale du camion, et là, c'était beaucoup plus hasardeux ; il fallait absolument éviter les zones d'ombre. Et je ne tenais pas à déballer tout pour remballer ensuite, après avoir montré à tout mon petit monde que je m'étais trompé d'endroit.

Je dis à l'adjudant : "Dites adjudant, ce n'est pas la première fois que vous faites la manoeuvre, vous savez où sont les bons endroits pour émettre, je monte sur quelle colline, là ? Route de Niederhausen ou bien route de Grossgraebenstein ?" Et l'autre de me regarder, goguenard : "Ah, mon lieutenant, ça, c'est à vous de le décider, c'est vous qui êtes le chef !"

Encore une fois pris au piège. Je ne répondis rien, et décidai tout seul de prendre le premier chemin qui me semblait monter suffisamment dans les bois. Arrivés en haut, on déploya tout le frusquin, la tente du mess en premier bien sûr, et une heure plus tard, la liaison radio fonctionnait plus ou moins bien avec le bataillon, surtout s'il y avait un peu de brume, le matin ... faut dire.

Rentré deux semaines plus tard en caserne, l'adjudant reprit ses bonnes habitudes. "Mon lieutenant, on va manquer de condensateurs de deux cents micro-farads, là, vous devriez rédiger une commande au dépôt, à Cologne." Vous pouvez être sûrs qu'il en restait suffisamment pour vivre dessus six mois, et qu'il ne cherchait rien d'autre que je me fasse prendre par le colonel pour gaspillage. Je le foudroyai du regard, et lui lançait vertement : "Dites, adjudant, restez à votre place. Quand j'aurai besoin d'un de vos conseils, je vous le ferai savoir. Vous avez déjà oublié m'avoir dit il y a quinze jours que c'était moi qui suis le chef ?" Il ne me tendit jamais plus aucune embuscade par la suite ... c'était un vieux rat de caserne, mais il avait le sens de la discipline. Il était dompté.


La seconde se passe aussi avec un de mes adjoints, également âgé, et parfaitement rompu à la construction des lignes à haute tension. Les commerciaux avaient commandé à mon service un raccordement aérien pour la cabine électrique d'une entreprise qui devait restaurer une digue sur la berge de l'Amblève, une petite rivière que je connaissais très bien pour y avoir passé de nombreuses heures du temps où j'étais gamin. Et voilà donc mon adjoint qui me présente un matin pour signature le plan de la ligne dressé par ses techniciens.

Après avoir jeté un bref regard sur la coupe de la traversée, je lui dit d'un air moqueur : "Dites donc, ils en prennent joliment à leur aise, vos dessinateurs ! Vous avez vu ça ? Des poteaux de vingt-deux mètres de haut pour franchir un petit cours d'eau de rien du tout où ne pourrait même pas naviguer une barque ? C'est un honteux gaspillage, je ne signe pas ça."

L'autre me regarde, l'air surpris, et me répond poliment : "Ecoutez, cette fois-ci, je ne suis pas allé vérifier moi-même sur place, parce que c'est François qui a dessiné le plan, c'est un vieux de la vieille, je lui fais entière confiance, s'il dit qu'il faut des vingt-deux mètres, c'est qu'il les faut. Vous pouvez signer en confiance aussi, chef, je m'en porte garant."

"Je ne suis pas payé pour faire confiance à François, je suis payé pour ne pas faire confiance. Je vous garantis qu'il n'y a aucun obstacle sérieux à cet endroit, je le connais comme ma poche. Votre François vous raconte n'importe quoi, il a choisi des hauts poteaux juste pour avoir facile et ne faire aucun calcul."

"C'est bon, me répondit mon adjoint. Vous avez deux heures cette après-midi ? Nous irons voir sur place nous deux pourquoi François veut ces poteaux."

On se rendit donc au bord de l'Amblève. L'entreprise qui réparait la berge avait dressé dans la rivière une digue provisoire avec de hautes palplanches ... que je ne pouvais évidemment pas avoir vues du temps où j'avais douze ans. A bien y regarder, je me demandai même si des vingt-deux mêtres seraient bien suffisants pour être à distance de sécurité.

A ce moment, mon adjoint me regarda avec un large sourire, en plissant les yeux ; je le vois encore en mémoire planté devant moi. "Vous voyez, chef, tant qu'on était nous deux au bureau, vous aviez raison. Mais maintenant que nous sommes sur le terrain, vous avez tort." A partir de ce moment, je signai ses plans quasi aveuglément. Il m'avait dompté.


Pas facile, la vie de chef ... mais tellement passionnante !



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